L'Incendie

Le succès retentissant de L'Incendie au Salon de 1850-1851 confirme la place d'Antigna dans l'école réaliste émergente, avec une prédilection pour la vie des classes les plus pauvres. Pils, Courbet, Bonvin, dans des veines différentes, témoignent d'une sensibilité nouvelle, qui n'est pas sans lien chez Antigna avec sa formation dans l'atelier de Paul Delaroche, champion des ettets dramatiques, par exemple dans Jane Gray (1834, Londres, National Gallery) ou Les Enfants d'Edouard (1831, musée du Louvre) qui placent le visiteur comme spectateur de la scène.

Sa représentation d'une famille d'ouvriers bloquée par les flammes fait sensation sur un public qui aime vivre des sensations fortes à valeur cathartique. Comme toujours chez Antigna, la narration est portée par l'expression de chaque personnage : la mère, qui découvre avec épouvante les flammes montant jusqu'à la mansarde, la petite fille apeurée qui cherche protection dans les jupes de sa mère, le fils, qui tente de réunir les maigres biens, l'enfant endormi, seul ignorant du funeste destin qui les attend. Dans le fond de la composition, le père impuissant demande par la fenêtre un secours qui arrivera trop tard, l'ouverture de la porte annonçant l'appel d'air qui dans quelques secondes mettra le feu au grenier.

Suivant le principe de son maître de montrer l'instant qui precède le drame et fait frissonner à l'idée de l'horreur à venir, Antigna fait pénétrer le public dans le quotidien des classes populaires, traitant dans le format de la peinture d'histoire ce qui aurait pu n'être qu'une scène de genre à partir d'un fait divers. Sans pour autant porter de discours politique, contrairement à son contemporain Courbet qui expose la même année Les Casseurs de pierres (détruit), Antigna avec ce tableau reformule les enjeux de la représentation qu'il déplace du passé oublié des romantiques vers le présent dont il explore les strates délaissées de la société. Acquis par l'État, il a été au Musée du Luxembourg jusqu'en 1886.