Vue du château d'Arques près de Dieppe

Formé dans les ateliers de Guérin et de Gros, Paul Huet en retient une sensibilité qu'il oriente vers le paysage, dont il devient sans tarder l'un des porte-flambeaux de la nouvelle école romantique.

Comme nombre d'artistes de son temps, il est profondément marqué par la Normandie où il séjourne à partir de 1825 et dont les paysages font écho à la peinture anglaise que sa génération découvre à travers les envois au Salon de John Constable ou la présence à Paris d'artistes britanniques comme Bonington.

La vallée du château d'Arques-La Bataille, édifié au XIIe siècle et témoin en 1589 de la victoire d'Henri IV sur la Ligue catholique durant les guerres de Religion, condense à elle seule les aspirations pittoresques naissantes, dans la mouvance des Voyages romantiques et pittoresques dans l'ancienne France dans lesquels Nodier et Taylor recensent les sites en ruines où se rencontrent la nature et l'histoire. Huet s'y rend en 1829 lors d'un séjour avec Dumas et tire du souvenir de cette nature habitée une vaste composition destinée au Diorama Montesquieu, entreprise éphémère qui ferme ses portes peu après son inauguration en 1830. La toile est ensuite transférée à la Gaité où elle fut détruite dans un incendie.

En 1838, l'État commande au peintre une réduction de son célèbre tableau, exposée au salon de 1840 où elle rencontre un vif succès. La maîtrise des effets atmosphériques et la justesse de la lumière changeante du climat normand animent une nature « comme il faut la comprendre, empreinte de réalité et pénétrée de poésie », ainsi que le disait de lui son ami Victor Hugo. Les ciels mouillés en camaieu gris d'orage et les verts intenses du bocage normand trouvent sous son pinceau l'une de leur plus éclatante transcription

Le tableau est envoyé dès 1840 à Orléans, sans doute à la demande de Paul-Horace Demadières-Miron, directeur de 1838 à 1852, avec qui la peinture romantique fait son entrée sur les murs du Musée.