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Réalisation : Géricault, Jean Louis André Théodore (1791 - 1824) (Dessinateur)

Le Cortège de Silène

Réalisation : Vers 1817
Domaine : Dessin
Technique(s) : Papier vélin (crayon conté, lavis d'encre de couleur, rehauts de gouache blanche)
Dimensions : H. 21,5 cm ; l. 28,5 cm
N°inventaire : DE.738
© Crédit(s) photo(s) : Lombard, Mathieu
Cécile Bignon

Cartel

Le Cortège de Silène est le plus ambitieux des dessins mythologiques exécutés par Géricault au lavis d’encre brune rehaussé de gouache blanche sur papier brun, dont plusieurs sont annotés « Rome 1817 ». Martial-François Marcille, le premier grand collectionneur de Géricault avec Horace His de La Salle, en posséda au moins trois : L’Étreinte, représentant deux actes sexuels (une scène d’amour au recto, l’accouplement d’un satyre et d’une nymphe au verso), aujourd’hui conservée au musée du Louvre, et les deux versions du Cortège de Silène que se partagèrent Camille et Eudoxe Marcille à la mort de leur père. Un cousin germain se porta acquéreur de la version du premier, la plus aboutie des deux, lors de sa vente après décès en mars 1876, pour la léguer au musée où elle entra quelques mois plus tard.

L’ancien cadre portait au revers une étiquette sur laquelle étaient inscrits, de la main de François-Martial ou de Camille Marcille, les trois derniers vers du poème inachevé « Bacchus » d’André Chénier (1762-1794) qui en compte vingt-quatre :

« […] Et le rauque tambour, les sonores cymbales,

Les hautbois tortueux, et les doubles crotales

Qu’agitaient en dansant sur ton bruyant chemin

Le faune, le satyre et le jeune sylvain,

Au hasard attroupés autour du vieux Silène,

Qui, sa coupe à la main, de la rive indienne,

Toujours ivre, toujours débile, chancelant,

Pas à pas cheminait sur son âne indolent. »

La culture littéraire de Géricault est trop peu documentée pour permettre d’établir si son invention dans le genre mythologique procède de sources littéraires précises. Les poésies de Chénier étaient d’ailleurs peu connues du public jusqu’à leur édition par Henri de Latouche en 1819, soit deux ans après la date d’exécution du Cortège de Silène. Pourtant, le rapprochement entre le poème et le dessin n’est pas dénué de sens si on considère les affinités intellectuelles entre Géricault et Latouche, l’écrivain républicain, sympathisant du courant romantique naissant, ayant consacré l’année même de la publication des œuvres de Chénier une critique enthousiaste au Radeau de la Méduse. Supposer que Le Cortège de Silène serait inspiré du Bacchus de Chénier reviendrait à faire remonter la rencontre entre l’éditeur de ses poésies et le peintre avant le séjour de ce dernier à Rome (octobre 1816 – octobre 1817), mais les preuves de liens noués entre les deux hommes font actuellement défaut.

Quoi qu’il en soit, les Idylles du poète et celles du peintre se confondent dans la même vision d’une antiquité sensuelle, exaltant les plaisirs et l’art d’aimer, pour reprendre un titre commun à Ovide et à Chénier. La nouveauté des lavis brun de Géricault tient d’abord à l’utilisation éminemment picturale d’une technique se prêtant d’ordinaire particulièrement bien à l’imitation du bas-relief, ou du moins, à l’unification plastique d’une composition en frise. Gouache blanche et lavis brun sont au contraire ici fortement contrastés pour instaurer la profondeur du paysage. Traduisant le puissant soleil méridional, la gouache, apposée par de larges touches, plus chargées sur les zones recevant plus directement la lumière, définit des plans successifs dans un espace narratif restreint, par contraste avec les aplats de lavis brun qui exploitent le papier de la même teinte pour ménager la pénombre. Le crayon noir définit vigoureusement les contours et modèle les corps en hachurant leurs ombres, jusqu’à faire tourner dans l’espace le comparse dansant un premier plan à contrejour.

L’invention du Cortège de Silène a parfois été inscrite dans le prolongement des études de l’artiste d’après la sculpture antique, mais le ténébrisme et la forte corporalité des figures invitent à y voir plutôt l’écho de la découverte des maîtres italiens, peut-être plus encore celle des caravagesques qui ont traité le sujet (Matia Preti, Ribera), que d’Annibale Carrache (galerie Farnèse).

Provenance

Collection Martial-François Marcille (1790-1856), dès 1844.
Vente après décès de Martial-François Marcille (Paris, 4-7 mars 1857, n°91).
Collection Camille Marcille (1816-1875).
Achat dans la vente après décès de Camille Marcille par Amédée Lesourd (1813-1876), cousin germain de Camille et d’Eudoxe Marcille (Paris, 6-9 mars 1876, lot 83), 1876.
Legs de Amédée Lesourd au musée des Beaux-Arts d'Orléans, 1876.

École

France

Localisation

Musée des Beaux-Arts

Réserve

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