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Réalisation : Delaperche, Jean-Marie (Orléans, 22 mars 1771 - Paris (75), 29 décembre 1843) (Dessinateur)

Les Adieux de Louis XVI à sa famille

Réalisation : 1814 - 1817
Domaine : Dessin
Technique(s) : Papier vélin (plume, crayon graphite, encre, lavis, rehauts de gouache blanche, lavis d'encre métallo-gallique, rehauts de gomme arabique)
Dimensions : H. 23,8 cm ; l. 35 cm
N°inventaire : 2017.16.46
© Crédit(s) photo(s) : Lombard, Mathieu
Camus, Christophe

Cartel

Les Adieux de Louis XVI à sa famille, l'un des dessins les plus aboutis de Delaperche, est caractéristique du culte de la famille royale qui accompagne l'arrivée au pouvoir de Louis XVIII et dont Delaperche offre plusieurs exemples.

Séparé de sa famille dans la prison du Temple depuis le début de son procès, Louis XVI fut autorisé à lui faire ses adieux la veille de son exécution. Cette dernière entrevue fut relatée par Jean-Baptiste Cléry, dernier valet de chambre du roi, dans son journal, publié à Londres en 1798. Elle eut lieu dans la salle à manger, derrière une cloison vitrée d'où les commissaires pouvaient surveiller les prisonniers et Cléry assister à la scène:

"Tous étaient penchés vers lui [Louis XVI], et le tenaient souvent embrassé. Cette scène de douleur dura sept quarts d'heure, pendant lesquels il fut impossible de rien entendre; on voyait seulement qu'après chaque phrase du Roi, les sanglots des Princesses redoublaient, duraient quelques minutes, et qu'ensuite le Roi recommençait à parler. [...] Il prononça cet adieu d'une manière si expressive que les sanglots redoublèrent. Madame Royale tomba évanouie aux pieds du Roi qu'elle tenait embrassé; je la relevai et j'aidai Madame Elisabeth à la soutenir : le Roi voulant mettre fin à cette scène déchirante, leur donna les plus tendres embrassemens, et eut la force de s'arracher de leurs bras." (Cléry, 1798, p.224-225)

La publicité de ces adieux fut dabord visuelle, la diffusion d'estampes ayant précédé la publication de l'ouvrage de Cléry, telle celle éditée en 1794 en France par Jean-Baptiste Vérité d'après un dessin de Pierre Bouillon, ou celle de Charles Benazech en Angleterre, devenue la plus célèbre en France. L'invention de Delaperche dérive d'une autre estampe produite outre-Manche, gravée au pointillé de Mariano Bovi d'après un dessin de Domenico Pellegrini. Si la composition de l'artiste français en imite l'ordonnance - personnages disposés dans le même ordre, dans un intérieur pareillement dépouillé, entre une draperie à gauche et une porte ouverte à droite par où Louis XVI s'apprête à sortir -, elle en exagère tous les termes et pousse la représentation des passions à son paroxysme. Le langage mélodramatique trouve par ailleurs un équivalent textuel dans le récit de l'abbé Edgeworth, confesseur du roi, publié en 1815 :

"Quoique enfermé dans le cabinet où le Roi m'avait laissé, je distinguais facilement les voix; et, malgré moi, jétais témoin de la scène la plus touchante qui eût jamais frappé mes oreilles. Non, jamais ma plume ne saurait rendre tout ce qu'elle eut de déchirant. Pendant près d'un quart d'heure on n'articula pas une seule parole. Ce nétaient ni des larmes ni des sanglots; cétaient des cris perçans, qui devaient être entendus hors de l'enceinte de la tour. Le Roi, la Reine, Monseigneur le Dauphin, Madame Elisabeth, Madame Royale, tous se lamentaient à la fois, et les voix semblaient se confondre." (Edgeworth, 18158, p.68-69)

Delaperche est fidèle à cette vision lorsqu'il dépeint Marie-Antoinette et Mme Élisabeth échevelées, exprimant le désespoir le plus extrême par des gestes violents, tandis que la jeune Marie-Thérèse tombe en syncope. Mais les visages, peu individualisés, ne sont pas des portraits, et le héros n'est lui-même qu'une idée de Louis XVI, sa physionomie boursouflée visant à une expressivité emphatique. Le sens de la théâtralité, naguère assimilé au contact des œuvres de David, est conjugué à l'esthétique de l'excès cultivée en Angleterre par Füssli et son cercle.

Mais Les Adieux de Louis XVI à sa famille est bien plus qu'un exercice poétique. Légitimiste depuis toujours, Delaperche interprète l'histoire récente à travers son prisme personnel, lui qui a éprouvé la douleur d'une séparation familiale définitive en 1812, lorsque, absent de Moscou, la retraite de Russie contraignit ses deux fils enrôlés dans le régiment de Fézensac à une fuite sans retour, sans qu'il ait pu leur faire ses adieux.

Provenance

Achat à la galerie Chaptal (Paris) avec participation du fonds du patrimoine, sur les arrérages du legs Guillaux, et grâce à un mécénat participatif, 2017.

École

France

Localisation

Musée des Beaux-Arts

Réserve

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