Henri II d'Angleterre (1133-1189) et Rosemonde Clifford (1150-1176)

La brillante carrière de Monvoisin, qui le conduit jusqu'au Chili, est l'une des plus romanesques de son temps. Formé d'abord à Bondeaux, il entre en 1816, à 26 ans, dans l'atelier de Guérin pour concourir au Prix de Rome, qu'il obtient en 1821. Suivant la voie de son condisciple Léon Cogniet, à son retour d'Italie en 1825, ses envois au Salon le positionnent sans détour dans le clan romantique. Rosemonde est l'un des tableaux les plus remarqués du Salon de 1827. La beauté de Rosemonde Clifford avait fait d'elle la maitresse favorite du roi Henri II qui, pour la soustraire à la fureur de son épouse Aliénor d'Aquitaine, la retrouvait en secret dans le palais de Woodstock, agrandi pour abriter leurs amours. Monvoisin choisit l'instant où la reine surprend les deux amants. La légende veut qu'elle soit revenue le soir pour tuer sa rivale, lui laissant le choix du poison ou du poignard. En réalité Aliénor est emprisonnée par son mari en 1173, deux ans avant la mort de Rosemonde. Monvoisin reprend la composition généralement adoptée pour un sujet similaire de L'Enfer de Dante, Paolo et Francesca. C'est toutefois sur la scène de la Comédie-Française qu'il puise l'inspiration de son sujet, où la tragédie Rosemonde de Bonnechose est créée en 1826, avec dans les rôles d'Aliénor et de Rosemonde les sociétaires Lucide Paradol et Mlle Bourgoin, dont il reprend les traits. Le renouveau de la scène romantique nourrit son œuvre, ici comme par la suite dans des tableaux comme La Mort de Charles IX (1834, Montpellier, musée Fabre), donnant des clés pour atteindre la vérité historique. La restauration du tableau a révélé une savante construction de la composition. Fidèle à sa formation académique, Monvoisin a entièrement dessiné l'architecture avant de l'habiller par des tissus, tapis et objets qui donnent la couleur locale. Aliénor, initialement prévue à droite, a finalement été déplacée à gauche afin de ménager un effet dramatique plus intense.