Tullia faisant passer son char sur le corps de son père

En 1765, Bardin remporte le Prix de Rome avec ce qui restera comme un de ses meilleurs tableaux, déposé en 1803 au musée de Mayence du temps où la ville était rattachée à la France. Arrivé à Paris en 1751, Bardin se forme dans l'atelier de Lagrenée l'Aîné puis dans celui de Jean-Baptiste-Marie Pierre, le très puissant directeur de l'Académie royale, de qui il tient son goût des camaïeux de gris et de brun rose autant que celui des compositions claires et sans emphase, comme en témoigne cette belle esquisse marquée par le retour à l'antique qui imprègne alors la peinture. Bien qu'elle présente quelques variantes par rapport au tableau définitif, elle brosse les principaux traits de la composition, dont le sujet est pris dans un épisode de l'histoire de la République romaine raconté par Ovide, Tite-Live et Valère Maxime. Fille aînée de Servius Tullius, sixième roi de Rome (578-534 av. JC), Tullie épousa d'abord le fils aîné de Tarquin l'Ancien, avant de le faire disparaître et de se marier avec son beau-frère, Tarquin le Superbe. D'une ambition démesurée, elle poussa son mari à assassiner son père pour s'emparer du trône. Alors qu'elle sortait de la Curie où son époux venait d'être acclamé, elle ordonna à son cocher de faire passer son char sur le corps ensanglanté de son père, encore vêtu de la pourpre royale. L'esquisse accentue le caractère tragique de l'évènement et la détermination de l'héroïne de ce triste épisode, comme pour accroître la valeur moralisatrice qui se dégage de l'action. Tullie, juchée sur un char, ordonne avec véhémence à son cocher de diriger ses chevaux sur le corps gisant de son père, sous le regard des passants consternés et effrayés qui assistent à la scène. La rue dans laquelle s'est déroulé ce spectacle effrayant fut nommée « scélérate » par les habitants.